Content-Type: text/html; charset=UTF-8

Fort rond de toutes les manières


"Les gens de mon minois ne sont point accusés
D'être, grâces à Dieu, ni fourbes ni rusés.
Cet honneur qu'on nous fait, je ne le démens guère
Et suis homme fort rond de toutes les manières."
Dépit amoureux, I, 1 (v. 11-14)

L'équivalence entre rondeur et franchise est un lieu commun, employé par Thomas Corneille dans Don Bertrand de Cigaral (1). L'idée reposait sur les principes de la science "physiognomonique", illustrée par Giambattista Della Porta (4) et évoquée dans Le Mariage forcé ("une bonne physionomie").

En évoquant à son tour la réputation d'absence de finesse qui caractériserait les gens corpulents (2), La Mothe le Vayer en profite pour jeter le discrédit sur les pratiques divinatoires, résultant de croyances aux pouvoirs de la magie (3).


(1)

Ma façon de traiter est pourtant assez ronde.
(T. Corneille, Dom Bertran de Cigarral, IV, 1 ).

--

(2)

Que profite à l'ours cette masse de chair qui le compose, qu'à le rendre plus endormi, plus contemptible, et plus propre à être mené par le nez ? [...] Aristote a reconnu au quatrième livre des Parties des animaux qu'à l'égard de l'homme le poids du corps, s'il est grand, peut retarder et alentir les opérations de son âme jusqu'à celles du sens commun. Et la comparaison du pilote, qui conduit bien mieux un vaisseau médiocre qu'une ramberge, est merveilleusement juste là-dessus.
("De la grandeur et petitesse des corps", Oeuvres, III, 1, p. 102)

Comme l'on a cru que la pesanteur du corps causait ordinairement celle de l'esprit, Venter pinguis non gignit sensum tenuem seu subtilem. Pacheia gaster lipton ou tiktei noon, aussi voyons-nous partout que la maigreur et la légèreté des corps que nous nommons grêles ou déchargés, et que les Latins appellent subtils, passe pour une marque de bonté spirituelle, et presque pour une condition nécessaire à la liberté des opérations de notre âme, et presque pour une condition nécessaire à la liberté des opérations de notre âme. c'est pourquoi Hippocrate juge qu'il est expédient à ceux qui veulent acquérir de la prudence, de se rendre maigres [...]. Un corps trop nourri et trop succulent regimbe contre la raison.
(Ibid., p. 105).

--

(3)

Il y a aussi, outre cette sorte de prédictions qui regardent le général, une autre façon de juger de l'avenir pour ce qui touche les particuliers, en considérant l'extérieur de leur personne. Elle n'a pas été méprisée par les philosophes, puisqu'Aristote même a fait un traité de la physionomie, où la plupart de ses jugements sont fondés sur la ressemblance des hommes au reste des animaux ; à l'imitation d'un Physionome dont il parle au quatrième Livre de leur génération, qui ne se servait en pratiquant son art que du rapport à la figure de deux ou trois animaux, ce que Baptista Porta a depuis peu merveilleusement étendu. Voici comme y procède Aristote [Lire la suite...]
("De la magie", dans De l'instruction de M. le Dauphin, Oeuvres, I, 1, p. 367-368)

--

(4)

Della Porta, en 1586, fait du "ventre proéminent" un signe de balourdise de l'esprit :

hebetis : quae circa collum et brachia carnosa, complexa et colligata [...] Frons magna, carnosa, rotunda. [...] Crura circa talos, crassa carnosa et rotunda [...] lumbus carnosus. [...] ventre porrecto.
(Della Porta, Physiognomonia, 1586, Livre IV)

Les « fourbes » et les « rusés », en revanche, ressemblent à des animaux vifs et souples :

insidiosi : ad vulpes, lupos et serpentes
dolosi : ad vulpes, ethiopas et mulieres
maligni : ad simias, vulpes, ichneumones et serpentes.
(Ibid.?)




Sommaire | Index | Accès rédacteurs