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Et cependant c'est moi qui vous le dis
- "Par quel ordre du Ciel que je ne puis comprendre
- Vous dis-je plus que je ne doi,
- Moi de qui la pudeur devrait du moins attendre
- Que vous m'expliquassiez le trouble où je vous voi?
- Vous soupirez, Seigneur, ainsi que je soupire,
- Vos sens comme les miens paraissent interdits,
- C'est à moi de m'en taire, à vous de me le dire,
- Et cependant c'est moi qui vous le dis."
- Psyché, acte III, scène 3, vv. 1070-1077.
La déclaration de Psyché reprend certains des motifs prisés de la poésie féminine contemporaine, qu'on retrouve, par exemple, dans :
- Mme de la Suze, "Elégie II", Poésies, 1666 (1).
- Mlle Desjardins, « Jouissance », 1660 (2).
- Mlle Deshoulières,« Caprice » (3).
De même, La Fontaine fait écrire à Psyché un poème dans Les Amours de Psyché et Cupidon ("Le souvenir m'en charme et m'empoisonne").
(1)
- D'où vient ce changement, n'est-ce point que je l'aime?
- Ce Dieu que je fuyais a-t-il surpris mes sens?
- Voilà tous les tourments qu'on souffre en son empire,
- Je le connaissais bien, mais je n'osais le dire,
- Et mon cœur qui sentait ce beau feu s'élever,
- Voulait bien le souffrir, et non pas l'avouer;
- […]
- Aujourd'hui qu'il connait tout ce qu'il a de charmes,
- Il trouve de la gloire à lui rendre les armes.
- Sanglots entrecoupés, soupirs mourants et doux,
- Ennuis, transports, langueurs, je m'abandonne à vous,
- En vain j'ai combattu votre pouvoir extrême,
- Puisque vous me forcez de confesser que j'aime:
- Oui, ma bouche après vous va le dire à son tour,
- J'aime, et ce que je sens ne peut être qu'amour.
- (p. 8)
(2)
- Aujourd'hui dans tes bras j'ai demeuré pâmée;
- Aujourd'hui, cher Tirsis, ton amoureuse ardeur,
- Triomphe impunément de toute ma pudeur,
- Et je cède aux transports dont mon âme est charmée.
- Ta flamme et ton respect m'ont enfin désarmée;
- Dans nos embrassements je mets tout mon bonheur,
- Et je ne connais plus de vertu ni d'honneur
- Puisque j'aime Tirsis et que j'en suis aimée.
- O vous, faibles esprits qui ne connaissez pas
- Les plaisirs les plus doux que l'on goûte ici-bas,
- Apprenez les transports dont mon âme est ravie.
- Une douce langueur m'ôte le sentiment,
- Je meurs entre les bras de mon fidèle amant
- Et c'est dans cette mort que je trouve la vie.
- (Recueil de pièces galantes, éd. 1725, t. 1, p.13-14)
(3)
- CAPRICE
- Quels sont encor les maux que le Ciel me prépare ?
- D'où vient que je verse des pleurs?
- D'un destin cruel et bizarre
- Je n'ai déjà que trop éprouvé les rigueurs.
- Que je te crains, Amour ! tu me parais terrible;
- Tourne sur d'autres cœurs tes invincibles traits :
- A mes malheurs rends-toi sensible,
- Et de mon faible cœur ne trouble point la paix.
- A ton orgueil l'Univers doit suffire.
- Tu soumets à ton gré les hommes et les Dieux.
- Un cœur de plus sous ton empire
- Le rendra-t-il plus glorieux?
- Affranchis-moi de cette loi commune,
- Et laisse à l'aveugle Fortune
- Le foin de me persécuter.
- Mais, Dieu cruel, voudrais-tu me surprendre ?
- Quels transports inconnus me viennent agiter ?
- Le trouble dans mon cœur commence à se répandre.
- Aide-moi, ma raison : voudrais-tu me quitter ?
- Tu ne saurais, pour me défendre,
- Te faire assez tôt écouter.
- Sans cesse une idée agréable
- Vient dans mon âme attaquer ton pouvoir.
- Oronte me paraît tous les jours plus aimable,
- Et je ne puis fans peine être un jour sans le voir.
- Qu'Oronte, hélas! est redoutable !
- Raison, combats plus vivement;
- Tu ne peux succomber sans honte ;
- Redouble mes frayeurs pour un engagement
- Où tout est du parti d'Oronte.
- Ainsi s'entretenait un jour
- L'aimable Iris au bord d'une fontaine;
- Ses charmes, ses malheurs ont redoublé la haine
- Que j'avais déjà pour l'Amour.
- ( Poésies, éd. 1745, t. II, p. 212)
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