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En raisonnable époux


"Vous devez en raisonnable époux,
Être pour moi contre elle et prendre mon courroux.
- Aussi fais-je."
Les Femmes savantes, II, 6 (v. 442-443)

Un dialogue de La Précieuse (1656-1658) de l'abbé de Pure avait pour sujet la volonté de domination féminine et la menace qu'elle représentait pour le sexe masculin :

– Vous allez faire une étrange révolte dans le monde, lui répliquai-je, si vous prétendez ôter l'empire au mari pour le donner à sa femme, si vous ôtez la couronne à notre sexe, pour la mettre sur la tête du vôtre. Car qui est le malheureux qui veuille faire ce tort à son sexe, et à cette mâle vigueur qui brille dans ses desseins et qui accompagne tous ses efforts ?
[...]
– Je ne manquerai pas de suite, me répondit-elle. Premièrement quand je n'aurais pour moi que les forces de mon sexe, j'en ai assez pour déposseder le vôtre ; car ce que vous dites de ce pouvoir domestique, que les maris sauront bien conserver contre les femmes, c'est la plus formelle erreur qui puisse tomber sous le sens. Car outre qu'il n'est point de femme qui ne tienne aisément tête à un mari, et qui ne le gouverne à baguette, il y a outre cela le pouvoir qu' elle a sur tous les valets qui absolument sont toujours pour la maîtresse. De sorte que vous voyez que je ne manquerai point de suite ni de force, quand une fois j'aurai sonné la charge.
[...]
- Certes vous me parlez, lui dis-je, de ces maris comme de vrais oisons bridés. Ils le sont plus que vous ne pensez, reprit-elle, car il n'y a caveçon qui bride comme le chevet, et quand un mari y a une fois posé la teste, c'en est fait ; il ne la relève jamais ni libre ni saine. [...] Si bien que je ne vois pour ennemis que quelque grisons et quelques sévères barbons qui ne demandent que des foyers paisibles et qui n' ont que des désirs glacés et des passions éteintes. [...] Je ne fais pas de cas non plus de ces hommes volontairement énervés qui ont renoncé si authentiquement à eux et à nous, car ils ne prendront point parti et ne s'ingéreront jamais dans une guerre où ils n'ont nul intérêt.
(éd. Magne, Paris, Droz, 1938, t. II, p. 273)




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