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Elle tousse pour avertir son mari


"Elle tousse pour avertir son mari.
Quoi! vous voulez aller avec cette vitesse,
Et d'un cœur, tout d'abord, épuiser la tendresse?"
Le Tartuffe, IV, 5, v. 1452-1453

Le "Conte d'une chose arrivée à Chateau-Thierry", paru le 10 janvier 1665 dans les Contes et nouvelles en vers de La Fontaine, narre une histoire dans laquelle un mari embusqué est averti, par la toux de sa femme, des entreprises d'un galant (1).

La même péripétie figure également dans une autre oeuvre attribuée à La Fontaine, le Ballet "Les Rieurs du Beau-Richard", publié en 1825 à partir d'un manuscrit retrouvé parmi les papiers de Tallemant (2)


(1)

Un savetier, que nous nommerons Blaise,
Prit belle femme; et fut très avisé
Les bonnes gens qui n'étaient à leur aise,
S'en vont prier un marchand peu rusé,
Qu'il leur prêtât dessous bonne promesse
Mi-muid de grain; ce que le marchand fait.
Le terme échu, ce créancier les presse.
Dieu sait pourquoi: le galant, en effet,
Crut que par là baiserait la commère.
Vous avez trop de quoi me satisfaire
(Ce lui dit-il) et sans débourser rien -
Accordez-moi ce que vous savez bien.
Je songerai, répond-elle, à la chose.
Puis vient trouver Blaise tout aussitôt,
L'avertissant de ce qu'on lui propose.
Blaise lui dit: "Par bieu, femme, il nous faut
Sans coup férir rattraper notre somme.
Tout de ce pas allez dire à cet homme
Qu'il peut venir, et que je n'y suis point.
Je veux ici me cacher tout à point.
Avant le coup demandez la cédule.
De la donner je ne crois qu'il recule.
Puis tousserez afin de m'avertir;
Mais haut et clair, et plutôt deux fois qu'une.
Lors de mon coin vous me verrez sortir
Incontinent, de crainte de fortune."
Ainsi fut dit, ainsi s'exécuta.
Dont le mari puis après se vanta;
Si que chacun glosait sur ce mystère.
Mieux eût valu tousser après l'affaire,
(Dit à la belle un des plus gros bourgeois)
Vous eussiez eu votre compte tous trois.
N'y manquez plus, sauf après de se taire.
Mais qu'en est-il ? or ça, belle, entre nous.
Elle répond: "Ah Monsieur ! croyez-vous
Que nous ayons tant d'esprit que vos dames ?
Notez qu'illec avec deux autres femmes,
Du gros bourgeois l'épouse était aussi)
Je pense bien, continua la belle.
Qu'en pareil cas Madame en use ainsi;
Mais quoi, chacun n'est pas si sage qu'elle".

(2)

PROLOGUE

[...]
La femme en parle à son mari
Qui répond, songeant à l'affaire :

"Ma femme, il vous faut l'abuser,
Car c'est un homme un peu crédule,
Sous l'espérance d'un baiser,
Faites-lui rendre ma cédule.

Déchirez-la de bout en bout,
Car la somme en est assez grande.
Toussez après : ce n'est pas tout ;
Toussez si haut qu'on vous entende.

Il ne faut pas tarder beaucoup,
De crainte de quelque infortune ;
Toussez, toussez encore un coup,
Et toussez plutôt deux fois qu'une.
(éd. originale, Oeuvres de La Fontaine, par C. A. Walckenaer, 1827, t. IV, p. 132)

SEPTIEME ENTREE

LA FEMME, toussant
Hem !

LE MARCHAND
Qu'avez-vous, ma douce amie ?

LA FEMME, toussant encore plus fort
C'est le rhume.
(ibid., p. 143)




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