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Elle en apprenne jamais rien


« Laissons-la, Clitidas, laissons-la voir si elle peut dans mes soupirs et mes regards l'amour que ses charmes m'inspirent, mais gardons bien que par nulle autre voie elle en apprenne jamais rien. »
Les Amants magnifiques, acte I, scène 1.

Ne pas révéler son amour bien qu'il soit connu de la dame aimée, est une attitude conforme aux exigences amoureuses, vécues par le personnage d'Aronce (1) (voir aussi "La bassesse de ma fortune"), ou mises en débat (2) dans la Clélie (1656-1660) des Scudéry.

(1)

Cependant j'aime Clélie, je l'aime sans espérance, je l'aime avec la résolution de ne le lui dire point, et de ne murmurer point si elle s'irrite d'être aimée de moi, en cas qu'elle devine la passion que j'ai pour elle; jugez donc après cela mon cher ami, si je n'ai pas sujet d'être mélancolique.
(vol. I, livre I, p. 228).

(2)

En effet, en étant venus à parler de galanterie, on mit en question s’il y avait plus d’amour à ne pouvoir s’empêcher de dire qu’on aime ou à ne le dire point, parce que le respect en empêche.
[…]
- Mais ne faites vous point de différence entre une grande amour et une grande douleur ? reprit Téanor.
- Non, répliquai-je, car outre que je suis persuadée qu’il n’y a point d’amour sans une inquiétude qui est une espèce de douleur, je le suis encore, qu’un amant qui n’a point dit qu’il aime, a une si forte envie de le dire, qu’il souffre alors un des plus grands maux du monde.
- Vous avez raison, Amiclée, me dit Emilius, et je puis vous répondre avec certitude que c’est le plus grand mal qui fut jamais.
- C’est sans doute un grand mal, répliqua Téanor, mais c’est pour cela que c’est une grande marque d’amour ; car y a-t-il rien de plus obligeant pour une dame, que de lui faire connaître que la crainte de lui déplaire, et le respect que vous avez pour elle, vous oblige à vous taire, et à souffrir sans vous plaindre ?
(IVe partie, livre III, p. 1360-1364)




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