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Du sens commun


"Tu es donc, Marquis, de ces messieurs du bel air qui ne veulent pas que le parterre ait du sens commun, et qui seraient fâchés d'avoir ri avec lui, fût-ce de la meilleure chose du monde ?"
La Critique de L'Ecole des femmes, sc. V

"Permettez-moi, Monsieur Trissotin, de vous dire,
Avec tout le respect que votre nom m'inspire,
Que vous feriez fort bien, vos confrères, et vous,
De parler de la cour d'un ton un peu plus doux;
Qu'à le bien prendre au fond, elle n'est pas si bête
Que vous autres Messieurs vous vous mettez en tête;
Qu'elle a du sens commun pour se connaître à tout;"
Les Femmes savantes, IV, 3 (v. 1337-1343)

Dans un passage de ses Remarques sur la tragédie de Sophonisbe (1663), défendant la nécessité de "l'approbation du parterre", l'abbé d'Aubignac invoquait le "sens commun" comme qualité indispensable à la juste appréciation d'une pièce de théâtre :

Je ne veux pas dire que je sois un de ces grands maîtres de la scène auxquels seuls il appartient d'en apercevoir les merveilles, et vous n'ignorez pas, Madame, quelle est mon ingénuité sur ce sujet ; mais au moins ai-je un peu de sens commun.
(éd. contenue dans les Deux dissertations, 1663, p. 31)

Il n'est point nécessaire d'être capable de faire un ouvrage pour en juger ; il suffit d'en avoir acquis la connaissance, et principalement pour ceux du théâtre où tout doit être examiné par le sens commun.
(ibid,, p. 34)

De même, dans le passage consacré à la Sophonisbe de Corneille de ses Nouvelles Nouvelles, Donneau de Visé invoque le sens commun comme fondement de la critique des pièces de théâtre :

Voilà quels sont mes sentiments, qui ne sont pas conçus par règles, mais par un peu de sens commun.
(t. III, p. 269)

L'idée que la juste appréciation des choses passe par les lumières naturelles plus que par la science est également formulée par Guez de Balzac dans l'une de ses une dissertation publiée en 16 (DATE), puis reprise dans ses Dissertations critiques (1665):

N'en déplaise à l'université, il y a une logique naturelle, et des sages ignorants. Nous en sommes demeurés d' accord, et la dispute doit cesser où se trouve l' expérience. En tout pays il y a des docteurs en langue vulgaire. La raison peut faire toute seule de grandes choses, sans l' assistance de l' art et de la science.
(Dissertation 17, p. 653)

L'expression sera fréquemment employées dans les Conversations du chevalier de Méré, parues en 1668. Par exemple :

Je vous ai bien souhaité, lui dit-il, pour me soutenir contre cinq ou six hommes fort savants, qui seraient d'assez bonne compagnie s'ils avaient le sens commun.
("cinquième conversation", éd. C. Boudhors, 1930, t. I, p. 66)

Dans Le Barbon (1648) de Guez de Balzac :

Le consentement à quoi que ce soit, ne luy sembla pas être de la dignité d' un philosophe, et il s' imagina que sur tout, il fallait s'éloigner du sens commun, parce qu'il ne faut rechercher que les choses rares. Le mot de commun le dégoûta si fort de celui de sens , que dès lors il se résolut de n' en point avoir, et de laisser cette qualité vulgaire aux personnes médiocres.
(p. 691)

Plus haut, Dorante s'exclamait "je suis pour le bon sens" et affirmait que "la bonne façon d'en juger", en matière de spectacle, n'est pas toute théorique. Plus bas, il défendra également l'idée d'un jugement de goût prononcé "sans le secours d'Horace et d'Aristote".




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