Content-Type: text/html; charset=UTF-8

Divertissement à Chantilly et à Dunkerque, 1671


Le Prologue et le dernier intermède de Psyché furent représentés en tant que spectacle indépendant le 18 mai 1671 sur le bastion de Dunkerque, dont la construction venait d’être achevée le jour même, ainsi que le rapporte La Gazette de France du 24 mai et du 5 juin 1671. (1)

Le deuxième intermède fut repris en tant que spectacle (chanté, mais sans mise en scène) à Chantilly lors du passage du roi le 23 avril 1671, sur la route de Dunkerque. Voir La Gazette de France du 8 mai 1671. (2) (voir aussi la lettre de Robinet du 2 mai 1671 sur la page suivante).

Dans le contexte de ce divertissement, l’intermède prend un sens allégorique absent du spectacle original. D’une part, on peut voir le château de Chantilly comme le véritable «palais de l’Amour». D’autre part, on peut interpréter ce «travail» qu’«on n’a jamais fait assez tôt» comme la construction des fortifications de Vauban à Dunkerque que le roi allait surveiller.


(1)

Sa Majesté ayant vu, le 18 du mois dernier [le 18 mai 1671], ces travaux presque achevés, comme ils le furent le 23, ne put en contenir sa joie en Elle-même ; et voulant que toute sa cour la partageât avec Elle, lui donna une fête des plus magnifiques, des plus galantes et des plus dignes d'Elle.

Sa coutume étant de se délasser de ses travaux par d'autres, Elle ordonna cette fête comme un campement, ou une marche d'armée ; et après avoir donné des preuves de sa valeur dans la guerre, de sa politique dans la paix, de ses lumières dans ses conseils, et de son expérience dans l'entreprise qui vient d'être si admirablement exécutée, Elle en donna d'une galanterie véritablement héroïque, dans cette place frontière, à la vue de 30 000 hommes sous les armes.

Elle choisit à cette fin celui des trois bastions qui est appelé le Bastion Royal, désirant que, comme il avait été achevé avant les autres, et servi de théâtre à sa grandeur, il le fût pareillement de sa magnificence ; et commanda qu'on y dressât ses tentes et qu'on y disposât toutes les choses nécessaires à une fête belliqueuse.

La symphonie, la musique, et les violons furent rangés à droit et à gauche, dans la première de ces tentes, qui, par leur beauté, produisaient un effet merveilleux ; et celle-là servait d'entrée à un autre, où la collation devait être servie, ainsi qu'elle le fut, avec une propreté et une délicatesse inconcevables, de façon qu'elle ne charma pas moins la vue que le goût.

Les tambours des régiments, jusques au nombre de sept cents, furent postés sur la contrescarpe, les fifres, les hautbois et les trompettes dans le fossé, sur un grand amas de fascines ; et l'on borda la courtine d'entre ce bastion et celui du château de 80 pièces de canon, chargées à balle.

[…] Sa Majesté, après avoir fait le tour de la place et visité les travaux, à son ordinaire, se rendit sur ce bastion ; et Monsieur, qui sait si dignement prendre part à ses fatigues, y arriva en même temps, pour prendre pareillement part au divertissement.

Aussitôt elle fit défiler sur la contrescarpe les tambours qui formaient quatre bataillons ; et ordonna que les violons qui étaient sous les tentes jouassent un air qui avait servi de prélude au grand Ballet de Psyché.

La musique incontinent après se fit entendre et, tandis qu'on chantait, en l'honneur de ce Grand Monarque, qu'il interrompait le cours de ses exploits pour donner la paix à la terre, le signal fut donné aux troupes pour cesser le travail, Sa Majesté voulant par le repos qui fut avancé, et les rafraîchissements qu'on leur distribua, que toute l'armée fût de ses plaisirs, ainsi qu'Elle l'était de leurs fatigues.

Sur la fin du même air où l'on invitait Vénus à descendre du ciel pour ramener les beaux jours avec elle, la Reine, qui en a toutes les grâces, arriva, suivie des dames, qui avaient pris un certain air de conquête, auquel on les eût prises pour autant de fières amazones qui se préparaient, avec leur reine Talestris, à faire un jour de triomphe de celui qui était destiné pour leur divertissement.

Mais le Roi, au contraire, s'étant dépouillé de cette auguste fierté qu'il montre à la tête de ses troupes, avait pris, au milieu de ce beau cercle, cet air de douceur avec lequel il tempère la majesté que le Ciel et la nature ont imprimée sur son front, lorsqu'il se communique si obligeamment à ses sujets, et qu'il en écoute les demandes d'une manière si favorable.

Les récits qui avaient aussi servi à l'apothéose de l'Amour et de Psyché dans le même ballet furent tous chantés ; tellement que l'on eût dit que les dieux qui s'étaient intéressés en la solennité de leur hyménée, redoublaient leurs soins pour celle de cette fête ; et lorsqu'on arriva en un endroit où Mars proposait de mêler l'image de la guerre, à leurs divertissements, aussitôt les timbales et les trompettes, qui étaient sous une tente prochaine, se joignirent aux voix et aux violons, les tambours et les hautbois de la contrescarpe répondirent dans les intervalles et, parmi tout cela, on fit une salve de 80 pièces de canon.

(2)

Tandis qu'Elles satisfirent le goût par cette collation si délicieuse, l'Ouï avait un régale aussi des plus ravissants, par un excellent concert de voix, qui se firent entendre d'un autre cabinet, appelé le Cabinet des Peintures, et qui n'est embelli que de chefs-d'œuvres des plus habiles pinceaux.

Ces belles voix répétaient un air du dernier Ballet du Roi, où Vulcain animait ses Cyclopes à travailler en diligenc, à des vases d'or, destinés à l'enrichissement du palais que l'Amour faisait préparer pour Psyché ; et l'on eût dit que ce même air était employé là pour exciter l'art et la nature, et joindre leurs plus beaux efforts pour les plaisirs du Monarque.




Sommaire | Index | Accès rédacteurs