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Deux et deux font quatre


"Et dites-moi un peu, encore faut-il croire quelque chose. Qu'est ce que vous croyez ? - Ce que je crois? - Oui. - Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit."
Don Juan ou le Festin de pierre, III, 1

Au sein du Socrate chrétien (1652) de Guez de Balzac, repris dans les Œuvres de M. de Balzac (1665), était racontée une anecdote dans laquelle apparaissait cette formule :

Une heure avant que ce prince [étranger] rendît l’esprit, le théologien protestant qui prêchait d’ordinaire devant lui l’était venu visiter, accompagné de deux ou trois autres de la meme communion. S’approchant de son lit avec une profonde révérence, il le conjura, au nom de toute leur Église, de faire une espèce de confession de foi qui put être recueillie de la compagnie : afin, disait-il, que les dernières paroles d’un si grand personnage se conservassent dans la mémoire des hommes et donnassent de l’autorité à l’opinion qu’il avait suivie.
À cette demande, le prince se mit un peu à sourire et lui répondit incontinent après : “Monsieur mon ami, j’ai bien du déplaisir de ne vous pouvoir donner le contentement que vous désirez de moi. Mais vous voyez que je ne suis pas en état de faire de longs discours, ni de vous rendre compte de ma créance par le menu. Je vous dirai seulement en peu de mots que je crois que deux et deux font quatre et quatre et quatre font huit. Monsieur Tel (montrant du doigt un mathématicien qui était là présent) vous pourra éclaircir des autres points de notre créance.
Cette histoire, connue de peu de personnes, est un secret domestique que je tiens d’un gentilhomme d’honneur et bien informé. Je ne vous nomme point le prince qui avait une si belle religion ; il me suffit de vous dire qu’il ne manquait pas des vertus morales.
(éd. des Oeuvres de 1854, t. II, p. 95-96)

On la retrouve également dans le manuscrit des Historiettes de Tallemant :

On conte une chose assez notable de la fin de ce grand homme [Maurice de Nassau, prince d’Orange, fils de Guillaume le Taciturne, grand-oncle du roi d’Angleterre Guillaume III]. Étant à l'extrémité, il fit venir un ministre et un prêtre et les fit disputer de la religion ; et après les avoir ouïs assez longtemps : “Je vois bien, dit-il, qu'il n'y a rien de certain que les mathématiques*” ; et, ayant dit cela, se tourna de l'autre côté, et expira.
*[Note de Tallemant] On conte d'un prince d'Allemagne, fort adonné aux mathématiques, qu'interrogé à l'article de la mort par un confesseur s'il ne croyait pas, etc. : “Nous autres mathématiciens, lui dit-il, croyons que 2 et 2 font 4, et 4 et 4 font 8.”
(éd. A. Adam, 1960, t. I, p. 226)




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