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Des moyens d'exercer notre philosophie


"Mais est-ce une raison, que leur peu d'équité,
Pour vouloir se tirer de leur société ?
Tous ces défauts humains nous donnent, dans la vie,
Des moyens d'exercer notre philosophie.
C'est le plus bel emploi que trouve la vertu ;
Et si, de probité, tout était revêtu,
Si tous les cœurs étaient, francs, justes, et dociles,
La plupart des vertus nous seraient inutiles,
Puisqu'on en met l'usage à pouvoir, sans ennui,
Supporter dans nos droits, l'injustice d'autrui"
Le Misanthrope, V, 1, v. 1559-1568

La même idée est énoncée par La Mothe le Vayer dans son petit traité "Des offenses et injures" (Opuscules et petits traités, 1643) :

Il y a peu de personnes qui soient tout de bon de l'avis de Platon et d'Aristote, que comme il est plus avantageux d'obliger que d'être obligé, il vaille mieux au contraire recevoir une injure que de la faire. Et il s'en trouve encore moins qui aient cette fermeté dont parle Sénèque, laquelle empêche de ressentir les offenses, et par conséquent de s'en venger ; de même qu'il y a des corps si solides qu'ils renvoient la flèche ou le boulet sans être tant soit peu pénétrés. Si faut-il avouer qu'on ne saurait voir de plus beau spectacle ici-bas que ce sage des philosophes qui reçoit tous les coups qu'on lui porte, ainsi qu'un écueil toutes les tempêtes, sans être ébranlé, et qui pareil à un lion généreux méprise les violences qui lui sont faites, comme celui-là le cri des chiens sans se retourner, et sans témoigner la moindre émotion. En effet, je tiens qu'il est plus avantageux, parce qu'il est plus honorable, de recevoir des outrages qui ne font nulle impression sur nous, que de n'en recevoir point du tout. Nous ne pouvons faire paraître notre force que contre celle qui nous est faite inutilement. Et nous ne donnons jamais la gloire d'être invulnérable à ce qu'on ne frappe pas, mais bien à ce qui ne peut être entamé ni offensé de quelque côté dont il soit atteint. [...] Le Portique même n'a rien en cela de si difficile dont un homme de vertu ne puisse venir à bout.
("Des offenses et des injures", Oeuvres, II, 2, p. 421-422)




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