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De certains petits impertinents dans le monde


"Je ne parle pas aussi à vous, Dieu m'en garde, vous savez ce que vous faites vous, et si vous ne croyez rien, vous avez vos raisons ; mais il y a de certains petits impertinents dans le monde, qui sont libertins, sans savoir pourquoi, qui font les esprits forts, parce qu'ils croient que cela leur sied bien;"
Don Juan ou le Festin de pierre, I, 2

Le rabaissement ironique du contradicteur est un lieu commun utilisé pour combattre les libertins dans la littérature apologétique.

On relève le procédé, par exemple, dans


(1)

Qu'on ne s'imagine pas que ce soient des géants robustes, bien qu'ils se piquent de force; [...] esprits bizarres qui croient avoir été du conseil de Dieu, ou plutôt qui ayant su ses conseils les désapprouvent, comme si la sagesse éternelle était moins clairvoyante que la prudence des hommes. [...] Après tout, ces esprits ne s'appellent forts que pource qu'ils croient que tous ceux qui ont passé devant eux leur doivent être soumis.
(p. 185-187)

Et puis quelle autorité ont-ils ces croyants à la mode pour préférer leur sentiment particulier à celui des docteurs de tous les siècles ?
(p. 188)

(2)

LXII
Contre les impies

Libertin, dont l'esprit aveugle et téméraire,
Ose de l'Eternel pénétrer les secrets,
Entrer dans son conseil, censurer ses décrets,
Et condamner d'erreur tout ce qui t'est contraire,
Il semble par l'orgueil qui forme tes discours,
Que des globes des cieux tu dois régler le cours
Et nous donner pour loi ta suprême sagesse :
A peine connais-tu ce qui se passe en toi ;
Et ton esprit petit ose en sa petitesse
Parler avec mépris des grandeurs de la foi.
(p. 34)

(3)

LIBERTINS
LIV

Que ces libertins me déplaisent ;
Soit qu'ils parlent, soit qu'ils se taisent.
Ils savent tout, ils ont tout vu.
Tout autre est de sens dépourvu.
On dirait, à voir leur grimace,
Qu'ils ont peur d'avoir bonne grâce.
Ils regardent tout de travers,
Jusqu'à l'Auteur de l'univers,
Et quelque bien qu'ils en reçoivent,
Qu'ils vivent, qu'ils mangent, qu'ils boivent,
Ils ne rendent grâce de rien,
Non plus que le porc ou le chien.
(p. 91)

(4)

Ceux qui se sont attachés à la sensualité charnelle, se trouvant combattus par la loi de Dieu, et ne voulant point abandonner leurs plaisirs, se sont la plupart réduits à demander secours à l'impiété, et à prendre d'elle de méchantes armes, pour défendre l'infamie de leurs désordres. Ils sont arrivés à tel point d'insolence qu'ils sèment publiquement leurs abominables raisonnements : ils en parlent avec impudence dans les conversations : ils en composent des chansons, qui retentissent dans leurs débauches ; et n'ayant plus de respect ni de honte qui les retienne, ils répandent partout leurs impuretés et leurs blasphèmes, et les font éclater jusque dans les temples.
(n. p.)

(5)

Mais les imaginations fortes desquelles il faut éviter avec soi l'impression et la contagion sont certains esprits par le monde, qui affectent la qualité d'esprits forts ; ce qui ne leur est pas bien difficile d'acquérir. Car il n'y a maintenant qu'à nier d'un certain air le péché originel, l'immortalité de d'âme, ou se railler de quelque sentiment reçu dans l'Eglise, pour acquérir la rare qualité d'esprit fort parmi le commun des hommes.
Ces petits esprits ont d'ordinaire beaucoup de feu, et un certain air libre et fier qui les domine, et qui dispose les imaginations faibles à se rendre à des paroles vives et spécieuses, mais qui ne signifient rien à des esprits attentifs. Ils sont tout à fait heureux en expressions, quoique très malheureux en raisons.
(éd; de 1688, I, 3, II, p. 254)

(voir également "voilà de mes esprits forts")




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