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Dans le milieu qu'il faut


Dans la droite raison, jamais n'entre la vôtre ;
Et toujours, d'un excès, vous vous jetez dans l'autre. [...]
Démêlez la vertu d'avec ses apparences,
Ne hasardez jamais votre estime trop tôt,
Et soyez, pour cela, dans le milieu qu'il faut.
Gardez-vous, s'il se peut, d'honorer l'imposture:
Mais au vrai zèle aussi n'allez pas faire injure;
Et s'il vous faut tomber dans une extrémité,
Péchez plutôt encor de cet autre côté.
Le Tartuffe, V, 1, v. 1611-1627

L'idée selon laquelle "la parfaite raison fuit toute extrémité" était énoncée par La Mothe le Vayer dans De la vertu des Païens (1642) :

Le but où vise le sceptique, et où il constitue son souverain bien, c’est de posséder une assiette d’esprit, exempte de toute agitation par le moyen de l’ataraxie, qui règle les opinions, et de la metriopathie, qui modère les passions, de telle sorte, qu’ils jouissent d’un parfait repos tant à l’égard de l’entendement, que de la volonté. Or il n’y a, selon qu’il le conçoit, que la seule Epoque ou suspension d’esprit, qui puisse mettre le sien dans un si heureux état. Et cette Epoque, dont on a tant parlé, ne s’acquiert que par un examen très curieux et très exact des apparences du vrai et du faux qui se trouvent en toutes choses tant sensibles, qu’intelligibles.
(« De Pyrrhon et de la secte sceptique », éd. des Œuvre de 1756, V, 1, p. 289)

L'impératif que pose ici Cléante correspond à l'attitude qu'Aristote recommande, selon Gassendi :

Il veut aussi que les extrêmes combattent non seulement entre eux, mais aussi avec le milieu même, de sorte que le courageux à l'égard du lâche semble audacieux, et lâche au regard de l'audacieux [...] Il veut même qu'il y ait des extrêmes dont l'un paraisse plus opposé au milieu que l'autre, et que ce soit pour cela que la vertu quelquefois semble plus approcher de l'excès que du défaut [...] D'où il conclut qu'il est difficile de devenir vertueux, parce qu'il est difficile de trouver le milieu convenable en toutes choses; et c'est pour cela qu'il conseillent à ceux qui buttent à ce milieu de s'écarter principalement de l'extrême qui est le plus contraire, de prendre garde au vice où ils ont le plus de pente, et de faire comme ceux qui, redressant un bois courbé, le fléchissent tellement du côté opposé qu'ils le réduisent enfin à un état moyen qui est celui de la rectitude.
(F. Bernier, Abrégé de la philosophie de Gassendi, 1678, p. 242)




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