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D'une bonne action verser la récompense


"Nous vivons sous un Prince ennemi de la fraude,
Un Prince dont les yeux se font jour dans les cœurs,
Et que ne peut tromper tout l'art des imposteurs.[...]
Il donne aux gens de bien une gloire immortelle,
Mais sans aveuglement il fait briller ce zèle,
Et l'amour pour les vrais, ne ferme point son cœur
À tout ce que les faux doivent donner d'horreur. [...]
Pour montrer que son cœur sait, quand moins on y pense,
D'une bonne action verser la récompense."
Le Tartuffe, V, 7, v. 1906-1942

Dans le chapitre "De la justice" du traité De l'instruction de Monseigneur le Dauphin (1640), La Mothe le Vayer avait développé une conception semblable du rôle de la justice royale :

La justice est le second appui d'une monarchie, et qui a tant de choses communes avec la religion que beaucoup de personnes ne considèrent celle-ci que comme un acte de justice, par lequel les hommes rendent à Dieu ce qui lui est dû.
[...]
Les princes ne participent en rien tant de cette divinité qu'ils nous représentent ici bas qu'en l'exercice de la justice par la distribution des peines et des récompenses. C'est pour cela que leurs palais ne sont jamais plus augustes que quand ils servent d'asyle aux opprimés ; et c'est pourquoi en usant comme ils sont obligés, leurs pieds doivent être comme un autel de refuge à ceux qui s'y viennent jeter.
[...]
Or, bien que notre commune façon de nous expliquer semble mettre le principal emploi de la justice en la distribution des peines, parce que, quand nous disons "faire justice", nous entendons quasi toujours parler de la punition des crimes, si est-ce que celle des rois dont nous traitons ne se doit pas moins occuper à récompenser la vertu qu'à châtier le vice.
(éd. des Oeuvres de 1756, I, 1, p. 31-35)

Les mêmes idées seront développées dans le traité De l'art de régner (1665) du Père Le Moyne, dédié à Louis XIV :

Il ne faut pas croire que la justice n'ait qu'une main et que tout son emploi ne soit que de jouer de l'épée. [...] Elle a d'autres fonctions plus agréables et plus douces que celles-là; et puisqu'il n'est pas moins de son devoir de récompenser les bonnes actions que de punir les mauvaises, ce serait une justice manchote, pour ainsi dire, si outre la main dont elle manie l'épée, elle n'en avait une autre toujours préparée à distribuer les couronnes.
[...]

On dira tout ce qu'on voudra des utilités qu'apporte le glaive de la justice ; mais quand ce glaive brille tout seul, quand la main qui le manie agit toute seule et qu'on voit bien force exécutions, on entend bien force plaintes, et on ne voit point de récompenses, on n'entend point de remerciements ; la face d'un état doit être bien triste et le prince qui le gouverne de cette manière doit tenir une conduite bien opposée à celle de Dieu, qui est si prompt aux grâces et si lent aux châtiments, qui envoie sa lumière tous les jours et laisse à peine tomber la foudre une fois l'année.
(p. 284)




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