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D'Escarbagnas
Le mot "escarbot" et ses déclinaisons facétieuses avaient été remis en mémoire par la fable de La Fontaine "L'Aigle et l'escarbot", publiée au Livre II des Fables en 1668:
- L'Aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin,
- Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vite.
- Le trou de l'Escarbot se rencontre en chemin.
- Je laisse à penser si ce gîte
- Etait sûr ; mais ou mieux ? Jean Lapin s'y blottit.
- L'Aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
- L'Escarbot intercède, et dit :
- "Princesse des Oiseaux, il vous est fort facile
- D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux ;
- Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie ;
- Et puisque Jean Lapin vous demande la vie,
- Donnez-la-lui, de grâce, ou l'ôtez à tous deux :
- C'est mon voisin, c'est mon compère. "
- L'oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot,
- Choque de l'aile l'Escarbot,
- L'étourdit, l'oblige à se taire,
- Enlève Jean Lapin. L' Escarbot indigné
- Vole au nid de l'oiseau, fracasse, en son absence,
- Ses oeufs, ses tendres oeufs, sa plus douce espérance :
- Pas un seul ne fut épargné.
- L'Aigle étant de retour, et voyant ce ménage,
- Remplit le ciel de cris ; et pour comble de rage,
- Ne sait sur qui venger le tort qu'elle a souffert.
- Elle gémit en vain : sa plainte au vent se perd.
- Il fallut pour cet an vivre en mère affligée.
- L'an suivant, elle mit son nid plus haut.
- L'Escarbot prend son temps, fait faire aux oeufs le saut :
- La mort de Jean Lapin derechef est vengée.
- Ce second deuil fut tel, que l'écho de ces bois
- N'en dormit de plus de six mois.
- L'Oiseau qui porte Ganymède
- Du monarque des Dieux enfin implore l'aide,
- Dépose en son giron ses oeufs, et croit qu'en paix
- Ils seront dans ce lieu ; que, pour ses intérêts,
- Jupiter se verra contraint de les défendre :
- Hardi qui les irait là prendre.
- Aussi ne les y prit-on pas.
- Leur ennemi changea de note,
- Sur la robe du Dieu fit tomber une crotte :
- Le dieu la secouant jeta les oeufs à bas.
- Quand l'Aigle sut l'inadvertance,
- Elle menaça Jupiter
- D'abandonner sa Cour, d'aller vivre au désert,
- Avec mainte autre extravagance.
- Le pauvre Jupiter se tut :
- Devant son tribunal l'Escarbot comparut,
- Fit sa plainte, et conta l'affaire.
- On fit entendre à l'Aigle enfin qu'elle avait tort.
- Mais les deux ennemis ne voulant point d'accord,
- Le Monarque des Dieux s'avisa, pour bien faire,
- De transporter le temps où l'Aigle fait l'amour
- En une autre saison, quand la race Escarbote
- Est en quartier d'hiver, et, comme la Marmotte,
- Se cache et ne voit point le jour.
- (Livre II, Fable VIII)
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