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D'un tel vieillard je prise plus le zèle


"Et moi, d'un tel vieillard je prise plus le zèle,
Que tous les beaux transports d'une jeune cervelle"
L'Ecole des maris, III, 8 (v. 1051-1052)

Selon les mêmes critères que ceux de Léonor - et à l'opposé des propos de Sganarelle ("jeter mon âge au nez", v. 58) -, le personnage du mari âgé avait été présenté sous un jour favorable dans La Précieuse (1656-1658) de l'abbé de Pure (1), ainsi que dans la seconde partie (1661) de l'Almahide des Scudéry, où il est opposé aux insipides Adonis (voir "les plus vieux sont les plus charmants") (2).

La question "Si l'amour sied bien à un vieillard ?" sera également discutée dans la huitième des conférences recueillies par Richesource dans son premier tome (achevé d'imprimer le 10 avril 1661) (3).


(1)

ne croyez pas que la vieillesse n'ait rien d'aimable. Tous, vous autres jeunes galants, dit-elle, vous croyez absolument que la concurrence d'un vieillard vous est favorable, que le nombre des ans qui en diminue les forces en affaiblit le mérite, et qu'une femme est aussitôt dégoûtée d'un bonhomme qui, dans les règles communes, n'a pas les folâtres ardeurs des jeunes gens.
(éd. E. Magne, Paris, Droz, 1938, t. II, p. 152)

l'opinion de vieillesse peut-elle prévaloir à cette effective joie qu'ils portent sur leur visage, et qu'ils professent si également dans toutes leurs actions ? Trouvez-vous, parmi les jeunes gens, des humeurs plus réveillées, des esprits plus gais, des âmes plus enjouées ? [...] Voyez leurs maîtresses, consultez les beautés qu'ils aiment, et vous verrez quelles ardeurs ils ont dans leur affection; quels arts ils observent à aimer et le mérite que peuvent avoir les soins qu'ils en prennent et qu'ils leur rendent. La dépense, la libéralité, la curiosité, la propreté et tous les appas extérieurs dont la faiblesse humaine se laisse emporter, y éclatent avec tant d'ordre et de magnificence que les plaisirs des rois et des princes ne se peuvent prendre avec plus de méthode ni avec plus de volupté.
(p. 155)

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(2)

Abindarrays répond ici aux accusations qui ont été portées contre les maris âgés, qu'on a opposés aux jeunes et beaux galants :

De plus, comme leur tempérament est plus froid, ils aiment plus uniment ; ils ont plus de complaisance et plus de respect ; ils ont moins d’emportements, et moins de boutades ; ils savent mieux servir et souffrir ; et par là encore sachant mieux aimer, ils méritent d’être mieux aimés.
(Almahide, Suite de la 2e partie, 1661, t. II, p. 1784)

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(3)

Dans la huitième des conférences recueillies par Richesource dans son premier tome ("Si l'amour sied bien à un vieillard ?"), un des protagonistes des débats vante les avantages du service d'un homme âgé :

qui ait encore des forces pour soutenir la qualité d'amoureux, qui, dans l'expérience qu'il fait de sa vigueur, se sent porté à la société, et qui a de l'aversion pour la solitude; qui a une grande inclination pour les femmes, dans l'honneur et dans toutes les règles de la bienséance, qui abonde en humeur douce, agréable, affable; qui ait un esprit libre et ouvert[...]Combien y a-t-il de jeunes hommes faibles, languissants, chagrins, bizzarres, furieux, solitaires, qui ne sont pas si capables d'aimer, ni si dignes d'aimer que ce vieillard ?
(t. I, p. 76)




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