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Changer de mari comme on fait de chemise


"Ah ! que j'ai de dépit que la loi n'autorise,
De changer de mari comme on fait de chemise."
Le Cocu imaginaire, sc. V (v. 137-138)

La Mothe le Vayer, dans son dialogue "Du mariage" (Dialogues faits à l'imitation des Anciens, 1630), avait procuré des exemples de coutumes conjugales tolérant le changement périodique de conjoint, y compris pour les femmes :

y en ayant d'autres [nations], parmi lesquelles la pluralité des maris est autant en usage qu'ailleurs celle des femmes [...] Les Canariennes de l'île Lancelot avaient quasi toutes trois maris, servant par mois et chacun à son tour.
(éd. Francfort, Jean Savius, 1716, t. II, p. 390-391)

Mais l'idée du renouvellement régulier du partenaire avait également été avancée dans La Précieuse (1656-1658) de l'abbé de Pure, parmi les propositions de réformes de la relation amoureuse :

quand l'attente aurait été déçue par l'erreur des sens, par le désordre de la satiété, par la bizarrerie du goût, l'année étant expirée, il n'y aurait point de contrainte, chacun rendrait la foi à son compagnon et, reprenant sa liberté, chercherait à l'engager à quelque endroit plus agréable.
(éd. Magne, Paris, Droz, 1938, t. II, p. 28)

Cette déclaration provocatrice de la femme de Sganarelle confèrera au Cocu imaginaire, auprès des milieux religieux rigoristes, une réputation de texte faisant l'éloge de l'union libre et du cocuage. L'auteur des Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de pierre (1665) déclarera que

son Cocu imaginaire est une invention pour en faire de véritables.

En 1694 encore, Bossuet, dans ses Maximes et réflexions sur la comédie aura ce passage à l'esprit, lorsqu'il déclarera :

on réprouvera les discours où ce rigoureux censeur des grands canons, ce grave réformateur des mines et expressions de nos précieuses, étale cependant au plus grand jour les avantages d'une infâme tolérance dans les maris, et sollicite les femmes à de honteuses vengeances contre leurs jaloux.
(Oeuvres complètes, Besançon, 1836, t. III, § 5, p. 553)




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