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Ce style figuré


"Ce style figuré, dont on fait vanité,
Sort du bon caractère et de la vérité."
Le Misanthrope, I, 2, v. 385-386

Une occurrence célèbre de la condamnation du langage figuré pouvait être lue dans la Vie de Malherbe (1672) de Racan, qui circulait en manuscrit :

Il avait aversion contre les fictions poétiques et, en lisant une épître de Régnier à Henri le Grand qui commence

Il était presque jour, et le ciel souriant...

et où il feint que la France s'envola en l'air pour parler à Jupiter et se plaindre du misérable état où elle était pendant la Ligue, il demandait à Régnier en quel temps cela était arrivé et disait qu'il avait toujours demeuré en France depuis cinquante ans et qu'il ne s'était point aperçu qu'elle se fût enlevée hors de sa place.
(p. 14) (1)

Dans le Nouveau traité de civilité (1671), Antoine Courtin définit le style figuré, et détermine ses forces et ses faiblesses :

le style figuré [...], sortant des termes simples, se sert d'expressions allégoriques, et représente une chose par une autre qui y a du rapport.
Quand ces figures se prennent de sujets sérieux, et que leur rapport est juste et naturel, ce style est sérieux [...].
Mais lorsque ces figures se prennent de choses plaisantes que l'on substitue à la place de celles que l'on veut exprimer, et quand le rapport qu'elles y ont est éloigné, [...] ce style est un style enjoué et plaisant. [...].
Le figuré sérieux a dans son espèce pour opposé certain style de pointe qui subtilise sur toutes les pensées et sur toutes les paroles, qui figure tout hors de propos et sans nécessité. Certain style que ceux qui se croient parfaits appellent faux précieux, lequel métaphorise tout jusqu'aux laquais et aux mouchettes. Et celui-là même qu'ils prennent pour véritable précieux, que les personnes de bon goût ne distinguent pourtant point trop du faux. Ce style consiste en certaines expressions de nouvelle estampe, auxquelles ces orateurs de ruelles ont voulu comme clouer l'éloquence, pour parler comme eux, et dont ils se rendent tellement esclaves en voulant ne pas sortir des termes de la manière précieuse, qu'au lieu que la figure a été inventée pour donner de la liberté à celui qui écrit, et pour plaire à celui qui lit, on voit au contraire que leur liberté est une liberté captive, qu'ils sont parés et redressés comme une mariée qui n'ose se remuer.
(éd. de 1728, p. 247-252)


(1) Source : A. Counson, "La critique d'Alceste", Revue d'Histoire Littéraire de la France, XVIII (1911), p. 344.




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