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Ce sanglier, qui par nos gens chassé


"J'ai donc vu ce sanglier, qui par nos gens chassé,
Avait d'un air affreux tout son poil hérissé ;
Ces deux yeux flamboyants ne lançaient que menace,
Et sa gueule faisait une laide grimace,
Qui, parmi de l'écume, à qui l'osait presser,
Montrait de certains crocs...Je vous laisse à penser."
La Princesse d'Elide, I, 2, v. 207-212

Au chapitre II, 34 du Don Quichotte de Cervantès était narré un épisode dans lequel Sancho Pansa, lors d'une chasse au sanglier en compagnie de son maître et leurs hôtes, le duc et la duchesse, fuit devant la bête, tente de se réfugier sur un arbre, puis met en cause le bien-fondé de la chasse et vante la préservation de l'intégrité physique (Seconde Partie de l'Histoire de l'ingénieux et redoutable chevalier Don Guichot de la Manche, trad. F. de Rosset, 1618, p. 408 et suiv.).

Dans le Pastor fido de Guarini (1), dont l'abbé de Torche avait fourni une traduction entre 1664 et 1666 (2), ainsi que dans le poème Adonis (1658, publ.1669) de La Fontaine (3), on trouvait également un épisode de chasse au sanglier, dans lequel la bête était décrite comme particulièrement féroce.

Dans de nombreux textes du XVIIe siècle, le sanglier est décrit comme un monstre sanguinaire, et, corrélativement, la chasse au sanglier comme un acte particulièrement héroïque. C'est le cas

Les caractéristiques du sanglier menaçant Moron correspondent à celles du crocodile, auquel est confronté le héros dans l'"Histoire de Sésostris et Timarète" du Grand Cyrus (1649-1653) des Scudéry (7) ainsi qu'à celles du lion dans Almahide (1661) (8).

Dans Les Amants magnifiques, Clitidas décrira lui aussi une rencontre, peu glorieuse pour lui, avec "un sanglier hideux".


(1)

Come rapido turbo
d'impetuosa e subita procella,
che tetti e piante e sassi e ciò ch'incontra
in poco giro, in poco tempo atterra;
così, a un solo rotar di quelle zanne
e spumose e sanguigne,
si vedean tutti insieme
cani uccisi, aste rotte, uomini offesi. Lire la suite...
(Guarini, Il Pastor fido, IV, 2)

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(2)

Comme une tempête soudaine,
Offusquant tout à coup le Père des Saisons,
Renverse les rochers, les arbres, les maisons,
Et ravage tout dans la plaine;
Ainsi par un désordre égal
Cet épouvantable animal,
Méprisant des chasseurs les flèches dangereuses,
Et devenant plus furieux,
De ses défenses écumeuses
Déchirait les limiers, et brisait les épieux. Lire la suite ...
(Le Berger fidèle, traduction de Torche, IV, 2, p. 176)

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(3)

Lorsque l'un des chasseurs se présente à la bête.
Sur lui tourne aussitôt l'effort de la tempête :
Il connaît, mais trop tard, qu'il s'est trop avancé ;
Son visage pâlit, son sang devient glacé ;
L'image du trépas en ses yeux est empreinte ;
Sur le teint des mourants la mort n'est pas mieux peinte.
Sa peur est pourtant vaine, et, sans être blessé,
Du monstre qui le heurte il se sent terrassé.
Nisus, ayant cherché son salut sur un arbre,
Rit de voir ce chasseur plus froid que n'est un marbre :
Mais lui-même a sujet de trembler à son tour.
Le sanglier coupe l'arbre ; et les lieux d'alentour
Résonnent du fracas dont sa chute est suivie :
Nisus encore en l'air fait des voeux pour sa vie.
Conterai-je en détail tant de puissants efforts,
Des chiens et des chasseurs les différentes morts,
Leurs exploits avec eux cachés sous l'ombre noire ?
[…]
Cependant le sanglier passe à d'autres trophées :
Combien voit-on sous lui de trames étouffées !
Combien en coupe-t-il ! Que d'hommes terrassés !
Que de chiens abattus, mourants, morts et blessés !
Chevaux, arbres, chasseurs, tout éprouve sa rage.
Tel passe un tourbillon messager de l'orage ;
Telle descend la foudre, et d'un soudain fracas
Brise, brûle, détruit, met les rochers à bas.
Crantor d'un bras nerveux lance un dard à la bête :
Elle en frémit de rage, écume, et tourne tête,
Et son poil hérissé semble de toutes parts
Présenter au chasseur une forêt de dards.
Jean de La Fontaine, Adonis, Œuvres diverses, éd. P.Clarac, Bibliothèque de la Pléiade, pp. 13-14.

(4)

ENDIMION
[...] Pour pouvoir l'aborder [Diane] aveccque plus de grâce,
Je veux me préparer pour la fatale chasse,
Et pour me signaler je veux avec mes traits,
Percer ce monstre affreux qui détruit nos forêts.

CEPHALE
Ce sanglier furieux, ce monstre épouvantable,
Par cent illustres morts s'est rendu redoutable,
Quoi qu'on vante partout votre insigne valeur,
Je crains qu'il vous arrive un semblable malheur.
(I, 3, p. 18)

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(5)

La gloire qui s'acquiert en obligeant le public, est la seule gloire qui n'est disputée de personne ; parce que chacun y participe, et que l'honneur d' un homme seul est la félicité de tout le monde. Aussi les peuples touchés d'un si légitime ressentiment ont mis autrefois leurs bienfaiteurs au nombre des dieux, et ont adoré la vaillance, qui leur a été utile. Ceux qui avoient écrasé un serpent d'une grandeur extraordinaire, ou assommé un sanglier qui faisoit le dégât autour de leur ville, recevaient des devoirs religieux de la reconnoissance de leurs citoyens [...]
(Guez de Balzac, Le Prince, 1631, p. 218-219)

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(6)

Comme quand le sanglier à qui la bouche fume,
Du feu que la colère en ses veines allume,
De la dent a fendu le ventre du limier,
Qui le presse le plus et l'atteint le premier :
Ses pitoyables cris, ses entrailles traînantes,
Et les traces qu'il laisse affreuses et sanglantes,
Donnent de la terreur à la meute qui suit ;
L'un jappe de bien loin, l'autre plus loin s' enfuit :
Et le plus assuré tourne à peine la tête,
Vers son ombre qu'il prend pour l'ombre de la bête.
(Saint-Louis ou le héros chrétien, p. 99-100)

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(7)

Toutes les écailles du monstre faisaient un bruit éclatant et se hérissaient en divers endroits de son corps ; la couleur même en paraissait changée : leur gris était devenu rougeâtre ; ses yeux, quoique à demi-couverts de deux espèces de taies, jetaient pourtant un feu sombre, qui avait quelque chose d'affreux ; ses dents paraissaient encore toutes sanglantes, de la dernière proie qu'il avait dévorée ; une écume jaune et verte lui sortait à gros bouillons des deux côtés de la gueule.
(Le Grand Cyrus, p. 3862)

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(8)

Mais à peine furent-ils engagés dans cet agréable entretien, qu’un grand et terrible lion […] ayant rompu les barreaux de sa tanière, s’en vint droit vers eux : en se fouettant de la queue ; hérissant tout son long poil ; lançant des regards enflammés ; grinçant les dents horriblement ; et rugissant avec un bruit épouvantable.
(Almahide, t. III [Suite de la 1e partie, t. 3], p. 1617)

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