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Ce discours sent le libertinage


"Mon frère, ce discours sent le libertinage"
Le Tartuffe, I, 5, v. 313

L'accusation de libertinage ou d'impiété est dénoncée dans ses excès :


(1)

On abuse souvent du mot d’impie, quand on l’attribue à tous ceux qui pensent autrement que nous des choses divines, encore qu’elles soient problématiques, et qu’ils s’en expriment avec beaucoup de circonspection. Certes la raison veut que nous mettions une grande différence entre la liberté et le libertinage. Dieu nous a fait naître libres en nous donnant le franc arbitre et il ne nous est pas moins honnête de paraître tels sur quelque sujet que ce soit qu'il nous serait honteux et préjudiciable de passer pour des libertins.
(éd. des Oeuvres de 1756, VII, 2, p. 93)

Sans mentir, il n'est que trop de personnes à qui l'on peut légitimement reprocher l'impiété, sans que nous l'imputions indifféremment à tous ceux, qui ont des sentiments contraires aux nôtres ; surtout après les avoir abandonnés comme l'avait fait votre Ami. Nous défendons souvent avec trop d'ambition, et trop d'opiniâtreté toutes nos pensées, n'en reconnaissant point d'autres pour orthodoxes [...].
(ibid., p. 99-100)

(2)

On ne doit pas employer indifféremment cette sorte d'injure qui taxe, soit d'hérésie, soit d'impiété; et il me souvient que quelqu'un qui s'en vit frappé sans raison répondit ingénieusement à ses adversaires qu'ils faisaient bien voir n'estimer pas grand chose le crime d'impiété, qu'ils employaient si mal et sur un si petit sujet que celui dont il était question.
(éd. des Oeuvres de 1756, III, 2, p. 422)

(3)

Si ce sont des personnes de piété et fort soumises à l'autorité de l'Eglise, leur foi s'étend quelquefois, s'il m'est permis de le dire ainsi, jusqu'à des opinions purement Philosophique ils les regardent souvent avec le même respect que les vérités de la Religion. Ils condamnent par un faux zèle avec une trop grande facilité ceux qui ne sont pas de leur sentiment. Ils entrent dans des soupçons injurieux contre les personnes, qui font de nouvelles découvertes. C'est assez, afin de passer pour libertin dans leur esprit, que de nier qu'il y ait des formes substantielles, que les animaux sentent de la douleur et du plaisir, et d'autres opinions de Philosophie, qu'il croient vraies sans raison évidente, seulement à cause qu'ils s'imaginent des liaisons nécessaires entre ces opinions et les vérités de la foi.
(IV, 3, p. 416-417)

Les superstitieux, par une crainte servile, et par une bassesse et une faiblesse d'esprit, s'effarouchent dès qu'ils voient quelque esprit vif et pénétrant. Il n'y a par exemple qu'à leur donner des raisons naturelles du tonnerre et de ses effets, pour être un athée dans leur esprit.
(IV, 6, 3, éd. de 1688, p. 434)

(4)

Je ne puis assez m'étonner, (dit-il) [en marge : Traité de la superst. de la version de M. le Fèvre] qu'on die que l'Athéisme est une impiété : cela se devrait dire de la superstition, et non pas de l'Athéisme ; car il est bien vrai qu'Anaxagoras fut condamné autrefois comme impie, pour avoir soutenu que le Soleil était une pierre ; mais personne n'a encore dit que les Cimmériens qui ne croient pas qu'il y ait de Soleil au monde, soient impies pour cela. Quoi, celui qui ne croit point qu'il y ait des Dieux est impies, et celui qui croit qu'ils sont tels que les superstitieux se les figurent, n'a-t-il pas une opinion dont l'impiété surpasse de beaucoup celle de l'Athée ? Pour moi j'aimerais bien mieux que tous les hommes du monde dissent, que jamais Plutarque n'a été, que s'il disaient, Plutarque est un homme inconstant, léger, colère, qui se ressent des moindres offenses, qui se met en mauvaise humeur pour rien, qui se fâche, si on ne l'appelle aux belles assemblées, qui se met aux champs, si quelqu'un ayant des affaires, ne lui est pas venu faire la cour au matin ; c'est un homme qui vous déchirerait à belles dents, si vous aviez passé à côté de lui sans l'aborder et le saluer, il ferait prendre votre fils, et lui ferait donner la gêne en son logis, ou dès la nuit suivante, il ferait lâcher des bêtes sauvages sur vos terres pour en ravager les fruits.
(éd. de 1683, t. I, p. 339-340)




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