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Ballet nouveau du mariage de Panurge


Ce ballet non daté propose un sujet qui présente plusieurs éléments communs avec Le Mariage forcé.


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BALLET NOUVEAU DU MARIAGE DE PANURGE

PREMIÈRE ENTRÉE.

PANURGE AUX DAMES.

Je voudrais bien, mes belles Dames,
Pour modérer un peu les flammes,
Que je ressens dedans mon coeur,
Rencontrer quelque fille aussi belle qu’honnête,
Qui ne me traitât point de ce nom de vainqueur,
Afin de me poser un rameau sur la tête.

On tient, et ne vous en déplaise,
Que la subtile et la niaise
Sont sujettes à caution ;
Belles c’est ce qui fait que Panurge appréhende,
Vu même que l’on dit qu’en pareille action
Le battu bien souvent paie encore l’amende.

Je vais, pour un si grand mystère,
Consulter la brigade chère
De mes plus intimes amis ;
Et l’oracle certain de nos Fées subtiles,
Qui charitablement m’ont toutes deux promis
Pour éviter le bois des moyens très utiles.

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SECONDE ENTRÉE.

PANTAGRUEL, À PANURGE.
Sur la Consultation de son Mariage.

Si tu veux vivre sans diffame
Aussi bien comme sans pareil,
Préfère à l’humeur d’une femme
L’utilité de mon conseil.
Qui croit bien choisir prend la pire :
Panurge cher ami, c’est tout ce que peut dire
Sur ce fait important le bon Pantagruel,
Qui tient le Mariage un parti casuel.

ÉPISTÉMOND, À PANURGE.

Panurge songe à l’Hyménée,
J’ai lu dedans ta destinée,
Si tu te mariais que tu serais Cocu :
Pour éviter cette infortune
Vis comme ton Père a vécu,
Et laisse au grand Seigneur porter la demi-Lune.

TROISIÈME ENTRÉE.

TRIBOULET FOL, À PANURGE.

Panurge est plus triste et plus morne
Que ceux que prend le Vertigo,
Craint de trouver le Capricorne
Au lieu du signe de Virgo :

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Aussi c’est une chose étrange,
On voit tant de gens à Paris
Que les femmes pour le mélange
Ne connaissent pas leurs Maris ;
Panurge mon bedon puisque tu me veux croire,
Garde ta liberté et ton argent pour boire.

QUATRIÈME ENTRÉE.

LES SYBILLES, À PANURGE.

Nos Oracles sont infaillibles,
Nous prédisons sur l’avenir,
Panurge il n’y a que tenir,
Tes Cornes sont toutes visibles :
Le Dieu du Mariage ordonne par Arrêt,
Que des larcins d’Amour tu payes l’intérêt.

CINQUIÈME ENTRÉE.

RONDIBILIS, MÉDECIN, À PANURGE.

Si tu veux entrer à la danse
Du nombre infini des Cocus,
Prends-moi quelque Beauté qui gagne force écus,
Et tes Cornes seront des Cornes d’abondance.

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SIXIÈME ENTRÉE.

L’EPOUSÉE, À PANURGE.

Chacun t’avait prédit que notre Mariage
Te ferait cet affront,
De planter sur ton front
D’Actéon le plumage :
Mais quand il serait vrai, que je le saurais bien,
Panurge, je promets de ne t’en dire rien.

SEPTIÈME ENTRÉE.

LA GRAND BOUFFONNERIE,
Panurge à ses Confrères.

Puisqu’il faut que ma Seigneurie
Soit de la grande Confrérie,
Pour le moins j’ai ce réconfort,
D’avoir autant prêté que l’on me savait rendre,
Et pour parer ce coup je n’irai pas me pendre,
Puisque pour mon fardeau j’ai le front assez fort.

FIN.

(Saisie effectuée par David Chataignier à partir des Cahiers de Littérature du XVIIe siècle, 5 (1983), p. 185-188)




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