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Avec emphase


""Comment, vous appelez cela réciter ? C’est se railler ; il faut dire les choses avec emphase. [...] - Mais, Monsieur, aurait répondu le comédien, il me semble qu’un roi qui s’entretient tout seul avec son capitaine des gardes, parle un peu plus humainement, et ne prend guère ce ton de démoniaque. - Vous ne savez ce que c’est. Allez-vous-en réciter comme vous faites, vous verrez si vous ferez faire aucun ah !"
L'Impromptu de Versailles, sc. I

Ce goût pour l'emphase, venait d'êre condamné, sur un plan général, dans un passage des Nouvelles nouvelles (1663) de Donneau de Visé :

Nous voyons, par une injustice du siècle, que ceux qui ont trouvé le bel art de s'exprimer noblement et naturellement tout ensemble ne sont pas estimés de tout le monde, et qu'il y a des gens qui n'aiment que ce qui est enflé, que ce qui tonne, que ce qui foudroie, bien que le plus souvent l'on ne puisse rien faire de ce caractère sans qu'il paraisse étudié et même beaucoup forcé. Mais si ceux qui travaillent de la sorte sont estimés de quelques rêveurs et de quelques barbons semblables à celui de Balzac, les autres sont aimés et recherchés de tous les princes et de tous les gens d'esprit.
(t. II, p. 196-197)

Le "ton de démoniaque" de Montfleury sera à nouveau brocardé dans Le Parnasse réformé (1669) de Guéret :

Je crois, dit-il, d’un ton à faire peur à tout le Parnasse, que l’on parle ici de la comédie, et alors ayant découvert Tristan : " [...] J’ai usé tous mes poumons dans ces violents mouvements de jalousie, d’amour, et d’ambition. Il a fallu mille fois que j’aie forcé mon tempérament à marquer sur mon visage plus de passion qu’il n’y en a dans les Caractères de La Chambre. Souvent je me suis vu obligé de lancer des regards terribles, de rouler impétueusement les yeux dans la tête comme un furieux, de donner de l’effroi par mes grimaces, d’imprimer sur mon front le feu de l’indignation et du dépit, d’y faire succéder en même temps la pâleur de la crainte et de la surprise, d’exprimer les transports de la rage et du désespoir, de crier comme un démoniaque, et par conséquent de démonter tous les ressorts de mon corps pour le rendre souple à ces différentes impressions.
(p. 74)




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