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Aux bêtes nous ravale


"Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie,
Qui nous monte au-dessus de tout le genre humain,
Et donne à la raison l'empire souverain,
Soumettant à ses lois la partie animale
Dont l'appétit grossier aux bêtes nous ravale"
Les Femmes savantes, I, 1, v. 42-46

L'idée que les appétits humains sont essentiellement différents de ceux des bêtes est défendue dans le traité De la Recherche de la vérité (1674) de Malebranche, à l'occasion de la critique des erreurs des stoïciens et des épicuriens :

C'est qu'ils croyaient que le plaisir et la douleur sensibles n'étaient point dans l'âme, mais seulement dans le corps; et ce faux jugement leur servait ensuite de principe pour d'autres fausses conclusions, comme : que la douleur n'est point un mal, ni le plaisir un bien ; que les plaisirs des sens ne sont point bons en eux-mêmes; qu'ils sont communs aux hommes et aux bêtes.
Retenons donc bien que les objets extérieurs ne renferment rien d'agréable ni de fâcheux, qu'ils ne sont point les causes de nos plaisirs, que nous n'avons point de sujet de les craindre ni de les aimer; mais qu'il n'y a que Dieu qu'il faille craindre et qu'il faille aimer, comme il n'y a que lui qui soit assez puissant pour nous punir et pour nous récompenser, pour nous faire sentir du plaisir et de la douleur ; enfin que ce n'est qu'en Dieu et que de Dieu que nous devons espérer les plaisirs, pour lesquels nous avons une inclination si forte, si naturelle et si juste.
(I, XVII, éd; de 1688, p. 112)

Dans ses Discours anatomiques (1675), Claude Lamy soutient le point de vue opposé (voir également "des bassesses à qui vous devez la clarté") :

L'empire que l'homme s'attribue sur toutes choses me paraît sans fondement. [...] Sa raison est véritablement beaucoup plus universelle et capable d'un plus grand nombre de connaissances que celle des brutes. Avec le peu que les bêtes en ont, elles trouvent sans étude et sans erreur ce qui est nécessaire à leur félicité ; et celle de l'homme est sujette à mille égarements, qui font que très souvent il se rend misérable par la peine qu'il se donne pour être heureux. Ceux qui feront réflexion sur eux-mêmes et qui préféreront un portrait véritable à un portrait flatté se reconnaîtront mieux dans la peinture que je viens de faire que dans aucune autre. Ils se dépouilleront aisément de ces folles imaginations qui nous élèvent trop au-dessus des bêtes pour nous faire témérairement usurper les avantages de la divinité.
(p. 4)




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