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ARSINOÉ, CÉLIMÈNE


La confrontation de la coquette et de la prude avait fait l'objet

Dans les Conseils d’Ariste à Célimène sur les moyens de conserver sa réputation (1666) de l'abbé d'Aubignac, la comparaison entre prude et coquette est même prise comme exemple type de la question d'amour (7).

Cette opposition si commune sera employée métaphoriquement dans le dialogue "La langue française" des Entretiens d'Ariste et d'Eugène (1671) (8).


(1)

Je me suis trouvée une fois dans une ruelle où nous agitâmes longtemps entre deux femmes de haute qualité dont l'une faisait la prude, quoiqu'elle ne dût rien prétendre sur l'autre par le droit des années et le caractère de laide, qui est une espèce de garantie pour l'honnêteté, ou du moins un poste pour l'honneur moins périlleux ou moins attaqué. L'autre était une personne de qualité, de beauté, d'esprit, d'adorable humeur. Ce n'était entre elles qu'un combat perpétuel de discours et de sentiments, et bien que la condition et la bonne naissance leur fissent garder le respect dans leurs différends, si est-ce que la plainte était éternelle dans toutes deux de l'une contre l'autre. L'une, pour faire la correcte, disait qu'elle avait eu son temps comme les autres; qu'elle avait eu sa vogue et sa réputation, qu'elle avait toutefois apporté ce tempérament dans ses divertissements et dans ses conversations, que jamais elle n'avait été objet de médisance.
[...]
La jeune personne qui avait autant d'esprit qu'on en peut avoir maintenait au contraire qu'il n'y avait rien de si innocent ni de si assuré contre la médisance que l'ouverture de son logis à tout venant.
(La Précieuse, éd. Magne, Paris, Droz, 1938, t. I, p. 222-223)

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(2)

Cependant comme il est bien difficile que l'amitié puisse durer longtemps entre deux personnes de sentiments très contraires, Cléonice voulut comme je l'ai déja dit, tâcher de changer Artelinde, lui faisant la guerre de sa façon d'agir : et voulant même lui persuader qu'elle faisait tort à sa beauté, de souffrir que tant de gens espérassent de pouvoir posséder son coeur. (Lire la suite ...)
(Le Grand Cyrus, Partie IV, livre 3, p. 2496)

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(3)

Dialogue de la prude et de la coquette

Angélique :
N’est-il pas vrai que rien n’est plus agréable qu’une prude, quand elle aime de toutes les ardeurs de son âme ? Ne tâche-t-elle pas dans toutes ses actions de plaire à l’objet de sa passion ? ne fuit-elle pas tout ce qui lui pourrait donner du chagrin ? […]
Iris
[…] Les douceurs que donne une coquette quand elle aime un seul objet sont bien plus agréables que celles que donne une prude. Est-il quelque chose de plus plaisant que de voir une coquette s’attirer plusieurs soupirants, par mille petites affeteries, et tout cela pour étaler aux yeux de celui qu’elle aime la grandeur de son mérite, et pour lui faire connaître combien il doit se croire heureux de la posséder seul ?
[…]
Angélique :
[…] n’est-ce pas une chose admirable de voir la conduite d’une prude, quand elle feint d’avoir de l’amour pour un seul, et qu’elle souffre que plusieurs lui en content ? Ne fait-elle pas croire adroitement par de puissantes raisons que le vrai est faux, quand cet objet qu’elle feint d’aimer la soupçonne d’intelligence avec un autre ?
[…]
Iris :
[…]
la coquette n’a pas besoin de tous ces artifices ; car si quelque amant se plaint d’elle, après lui avoir donné quelques marques d’une tendre amitié, à la première parole elle le laisse se plaindre tout seul, et s’étudie davantage à le confirmer dans cette créance par cent coquetteries affetées : c’est ce qui fait augmenter le feu de cet amant, et qui l’oblige à rechercher avec soin l’occasion de la rejoindre pour lui demander excuse […] Elle lui répond fièrement que ses soupçons la touchent au dernier point, et qu’après lui avoir donné les dernières marques de sa tendresse, il a mauvaise grâce d’avoir ces criminelles pensées, et enfin qu’elle ne peut contraindre son humeur enjouée.
(Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps, vol. 4, Paris, Charles de Sercy, 1662, p. 91-110)

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(4)

Savoir qui est la plus aimable maîtresse, de la prude ou de la coquette réformée.
Silvandre dans l’incertitude
Laquelle il aimerait, la coquette ou la prude,
Et ne pouvant enfin se résoudre à choisir,
Me demanda quelle victoire
Serait plus selon mon désir ;
Voulez-vous, lui dis-je, m’en croire :
La prude donne plus de gloire
La coquette plus de plaisir.
(Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps, vol. 5, Paris, Charles de Sercy, 1663, p. 388 ; repris dans le Recueil contenant les maximes et lois d’amour, 1666, rééd. de 1882, p. 11)

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(5)

S’il est plus avantageux d’épouser une femme coquette que d’en prendre une dévote.
Vous tenez la dévotion,
A ce qui m’en paraît, une affaire assez sotte,
Quand vous mettez en question
La coquette avec la dévote,
Cependant vous avez raison ;
Et pour moi, sans comparaison,
J’aimerais beaucoup mieux épouser la coquette.
Quand une fois une Menette
S’est mis dedans la tête qu’elle a de la vertu,
La morgue en est insupportable ;
Elle croit à ses pieds tout l’enfer abattu,
Et, la plupart du temps, elle-même est un diable
Qui nous tourmente au lit et nous damne à la table
Avec son esprit rabat-joie et pointu.
La coquette est bien plus traitable ;
Il est vrai que l’on court danger d’être cocu,
Mais tout conté [sic], tout rabattu,
Je trouve moins désagréable
D’être cocu qu’être battu.
(Recueil contenant les maximes et lois d’amour, 1666, rééd. de 1882, p. 36-37)

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(6)

Lequel est plus doux, plus difficile, et plus glorieux à un honnête homme, de séduire une prude précieuse, ou de fixer une coquette ?
- Il semble d'abord qu'il est plus doux et plus glorieux de se faire aimer d'une précieuse, si éloignée en apparence de toute sorte d'engagement, que d'une coquette, qui a toujours joué la comédie sous un personnage tendre : mais au fond comme il est beaucoup plus difficile de l'arrêter que d'attendrir une prude, il est aussi infiniment plus glorieux et plus doux.
(Charles Jaulnay, Questions d'amours ou conversations galantes dédiées aux belles, 1671, p. 42-43)

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(7)

Mais quel esprit serait assez indulgent aux extravagances du siècle, pour n’être pas surpris d’indignation d’entendre en compagnie des femmes signalées par la naissance et par la qualité, proposer une infinité de questions différentes sur le fait de la galanterie, où pour mieux m’expliquer, sur toutes les intrigues de leur vie scandaleuse, que dis-je les proposer ? en former des conférences, les traiter en disputes réglées, et faire d’une alcove riche et pompeuse, une école publique d’impudence. J’ai vu des conversations toutes occupées sur la difficulté de savoir, laquelle est la plus excusable de celle qui se laisse aller à la corruption par les empressements d’une mauvaise fortune ; ou de celle qui s’y trouve emportée par les lâches inclinations de son cœur ; si l’on doit plus estimer une coquette déclarée qui dans la vérité ne fait point de mal, qu’une fausse prude qui sait conserver un amant sans que l’on y connaisse rien.
(Conseils d’Ariste à Célimène sur les moyens de conserver sa réputation, Paris, N. Pépingué, 1666, p. 68-69)

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(8)

La langue italienne est une coquette toujours parée et toujours fardée, qui ne cherche qu'à plaire, et qui ne se plaît qu'à la bagatelle. La langue française est une prude, mais une prude agréable, qui toute sage et toute modeste qu'elle est, n'a rien de rude ni de farouche.
(Bouhours, "La langue française", Entretiens d'Ariste et d'Eugène, 1671, p. 70)




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